Tiens, du coup, j'en profite pour placer ma bafouille perso sur le même album
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Difficile d’aborder ce nouvel album de SHINING sans évoquer l’actualité vaseuse qui entourait le groupe les quelques mois précédant avril dernier (
ndr: la chro date de 2007), autrement dit la sortie de "Halmstad", cinquième opus des suédois. Changement de line-up, de label et surtout rumeurs de disparition/suicide du chanteur Kvarforth, suivies de la résurrection de ce dernier lors d’un concert des plus provocants… comme quoi absurdité, mauvais goût (regardez-moi cette pochette) et bonne musique font parfois bon ménage et même très bon ménage, puisque cet opus n’avait finalement pas besoin de ça pour marquer son monde.
SHINING ne fait pas vraiment dans la joie de vivre, loin de là, mais se fait de moins en moins direct au fil du temps, faisant évoluer son black metal dépressif en une musique moins brute mais plus traîtresse, plus sournoise et malsaine, dont le venin ne se répand dans l’âme de l’auditeur qu’au fil des écoutes pour provoquer un malaise persistant… pour vous donner une image, c'est un peu comme si un cancéreux en phase terminale vous parlait de ses projets de vacances comme si de rien n'était.
En ce sens, "Halmstad" joue parfaitement son rôle et représente la suite musicale logique de "The eerie cold", l’album de référence du groupe en ce qui me concerne, et si le petit dernier n’arrive pas à le surpasser, il n’est guère loin de l’égaler.
Le feeling blues/rock prend ici de l’ampleur et flatte l’oreille au son de douces mélodies et de soli de toute beauté, tandis que du piano et des violons viennent se joindre à des guitares tantôt acoustiques, tantôt abrasives… les parties black en elles-mêmes se retrouvent noyées au milieu des autres composantes de la musique, ou bien isolées dans de très brefs îlots de violence. On se laisse ainsi facilement porter par le courant tranquille de cette errance musicale, sans voir la cascade qui se profile à l’horizon, prête à nous engloutir au terme d’une chute vertigineuse.
Mais que serait la noirceur de la musique des suédois sans le chant de Kvarforth ? Ce dernier fait en effet preuve d’une incroyable performance, que ce soit dans ses déchirements vocaux ou lors de suaves susurrements, avec toutes les nuances entre les deux. Chaque soupir, chaque toussotement participe à l’ambiance aigre-douce de "Halmstad". Impressionnant.
L’album est en résumé globalement lent et mélancolique, massif dans ses moments les plus écrasants, moins joué avec l’énergie du désespoir mais en définitive tout aussi poignant que son prédécesseur. La seule faute de goût, en cherchant loin, est la reprise de la "Sonate au clair de lune" ("Åttiosextusenfyrahundra"), totalement dans le ton, mais pas très originale.
SHINING continue sa mutation sans pour autant perdre son identité, le groupe nous offrant un nouveau petit bijou de noirceur. Le groupe change juste de méthode, vous poussant dans les sables mouvants au lieu de vous tirer direct une balle dans la tête. Que préférez-vous ?