Bonsoir à tous,
Je vous laisse sur ce topic un court texte que j'avais écrit il y a des années, et que je n'avais plus retouché depuis. La vie m'amène en ce moment à reconsidérer ce que je sais créer, et j'ai créer ce texte avec toutes les tripes que j'avais à l'époque. J'espère donc que cet acte de vous le faire partager me permettre de relancer cette créativité et fera resurgir mes tripes sur une feuille de papier. Je suis ouvert aux critiques, alors, allez-y, faites moi mal, très fort même !
Et quand j'y pense, ce texte parle beaucoup de musique, ce qui me semble très adapté à ce forum. Merci d'avance à ceux qui auront la patience de lire tout ça, gros respect en tout cas !
Aurore sourit
Une dernière tige, et le cirque habituel peut commencer. Six ans qu'il joue tous les soirs, Ça commencerait presque à dater, six ans. Six ans qu'avec les frangins, Jules et Benji, ils avaient tout plaqué, études, parents, copines, situations, avenirs, pour vivre de leur musique. Six ans à galérer, à vivre dans des appartements vétustes, sordides, décorés avec du mobilier urbain et parfumés au tabac froid. Six ans à changer de salle de concert, de décors, de public, pratiquement tous les soirs, pour gagner trois clopinettes. Six ans à refaire le monde de deux heures à quatre heures du matin, devant une bouteille de gin, à se réveiller tout habillé un matin sur deux, à s'endormir seuls et angoissés, à rêver de baignoire en marbre et de serviettes de douche cousues d'or, à courir après des filles d'un soir, Six merveilleuses années. Tout ça pour un groupe qui n'a même pas de nom.. L'idéal pour une formation qui stagne hardiment entre la nullité profonde de compositions hasardeuses et la pâle copie de tubes trop légendaires pour être repris. La gloire est pour nous, les enfants!
Le problème avec les dernières cigarettes, c'est qu'elles finissent invariablement écrasées dans un cendrier plein à ras-bord, à moitié consumées, comme si elles n'avaient pas eu le temps d'aller au fond des choses, ou au fond d'elles-mêmes. Ouep, le fond des choses, tout est là : finir ce qu'on a initier.
« Pilch, ça va être ton tour! »
Le barman. C'est étrange, comme après toutes ces années passées à trainer de pubs enfumés en salles de concert crasseuses, on finit par trouver que tous les barmans du monde se ressemblent : à peu près gentils, un brin distants, volontiers compatissants, vite bavards, relativement souriants. A croire que le moule n'a pas encore été cassé. Jules fait signe, sur la scène, enfin, le coin de salle, où le groupe se produit. Dernière bouffée pressée, dernière gorgée de bière, non moins pressée, et Pilch trimbale sa grande carcasse maigre et mal fagotée vers sa Gretsch. The Show must go on, hein?
Le spectacle tient de la comédie : Jules cherche ses baguettes parmi un amas audacieux composé de divers fils, cordes, partitions, CD's, cannettes de bière et paquets de cigarettes, tandis que Benji bataille de haute lutte pour accorder sa basse, pâle David face au Goliath du bruit de fond que peuvent constituer 50 paumés en goguette et une sono dont le réglage de volume est soudé sur MAX.
Tout le monde est en place. Ou presque. Enfin, ça ira bien. Benji se rapproche du micro et annonce la soirée. Ouais, super les copains, Whole Lotta Light, les espoirs du moment, la dernière sensation à la mode. Tu parles, en termes de sensation, on achève de massacrer le ridicule par ici. Navrant, pathétique, tout ce que vous voulez; Le point positif, c'est tout de même que lorsque Benji tchatche, Pilch a tout son temps pour regarder les visages du soir, « prendre la température », enfin, façon. Et Benji adore tchatcher. Alors Pilch scrute. Toujours le même paquet de losers alcooliques et de jeunes cons branchouillards, qui dépassent péniblement les balbutiements en matière de malt fermenté. Quelques lycéens aux cheveux sales, enveloppés dans des sortes de draps multicolores couvrant leurs pulls de grand-père, rigolent autour d'une bière. Un groupe de jeunes gens, assortis par couples ont certainement dû oublier de lire les affiches à l'entrée et commencent à regarder les murs saumâtres avec une méfiance que Louis XVI devant sa guillotine n'eût pas renié. Tiens, Jane, dans le fond à droite, impossible de louper sa foutue crinière de rouquine irlandaise, toujours flanquée de sa grande bringue de philosophe à la con. Qui sait, peut-être qu'elle arrivera à foutre la paix à Pilch, ce soir.
Benji a fini ses conneries, on peut commencer à travailler sérieusement. Benji entame sa ligne de basse, le rythme est en place avec Jules. Ces frères sont pas jumeaux, mais sur scène, on en jurerai. Pilch suit, les riffs nerveux et frénétiques du Blues dévalant une pente trop raide. La salle, bien que peu habituée à ce genre d'écart au salutaire défouloir punk-rock, à l'air d'accrocher, on hoche la tête au rythme de la frappe de la batterie, à côté on frappe du pied avec la basse, ou on cligne des yeux avec Pilch. Mais ça accroche, c'est indéniable. Pilch et les frangins ont épuisé tout leur répertoire de B.B. King, ils s'attaquent au moment mélo; Et Pilch s'attache plus particulièrement à supporter l'entrée en scène de cette enflure bourrée de talent de Francis. Le type à l'éclairage, enfin le serveur qui se trouve le plus près des interrupteurs, tamise la lumière de la salle. C'est le moment de poser pour la postérité. Les gars s'escriment à donner corps à quelques mélodies sirupeuses immortelles arrangées à leur sauce, des chansons intouchables de Led Zeppelin et autres monuments d'artistes qui n'avaient certainement pas besoin de ce genre de promotion. Enfin, avec un piano, ça a déjà plus de gueule, c'est une consolation. Admirez quand même Pilch, la star en galère! La voix chaude et un brin cassée de Benji fait pourtant des merveilles sur ces vieux tubes bluesy, la salle n'a pas décrochée, c'est bon signe. La reprise de « Summertime » passe même très bien, et le groupe s'offre quelques minutes de rab en improvisation, épisodes suffisamment rares pour être remarqués par les habitués qui obliquent du sourcil. On en arrive aux passages « clintonniens », de bons vieux instrus bien funky et déjantés. Pilch essaie de rester raccord avec Francis, mais ce pitre fais tout ce qu'il peut pour s'éloigner du sujet.
Las, un peu avant la fin du set, Jane et sa petite gueule d'empaffée se plantent devant Pilch, plié en deux devant sa pédale d'effet : « Tu me joues November Rain? S'il te plait... » . Cet imbécile, hypnotisé, dit tout de suite le petit « oui » fatidique. Puis, une fois que Jane est loin, il laisse échapper un soupir à fendre l'âme. Pourquoi est-ce qu'il a accepté de jouer ce vieux machin mièvre aboutissant à un solo de poulpe? Qui va trinquer, dans tout ça, à essayer de jouer correctement une mélodie mythique et immortalisée par des mains illustres? Pilch a l'âme bougonne ce soir, grincheuse certainement, mais alors pas un brin mélancolique. Cette pintade fout vraiment la merde. Tout ça parce que Pilch n'a pas su faire un peu plus attention. Le consensus dans le groupe a toujours été de laisser Jane tranquille pour ne pas froisser un ou deux égos. Tous malades d'amour, bandes de fous! Et Jane a donc cru qu'il fallait en vouloir à Pilch pour cet état de fait. Et la femme perfide et sournoise de continuer à se colletiner branque après branque pour étaler son malheur à la face des trois abrutis, et accessoirement du monde. Pour une prochaine fois, les cinq minutes de calme, Pilch. Bon, s'agirait de pas s'endormir, Francis a déjà commencé l'intro dont il a le secret sur le vieux piano droit bancal qui semble tenir le mur du fond. Pilch envoie la rythmique et se prépare pour les solos vertigineux et tranchants de Slash.
Dix minutes plus tard, c'est la petite euphorie dans la salle, les nanas ayant réussies à raccrocher leur téléphone grâce aux accents un brin éraillé de Benji. Pilch est tout de même parvenu à se tailler sa part du gâteau sur les solos écorchés-vifs qui closent le morceau. Il est soulagé, on remballe, une bande d'excités joviaux accrocs aux riffs de deux accords viennent prendre la main pour le reste de la soirée. Jane est toujours auprès de son naze, on peut respirer. Allez, au pieu les mômes, Pilch range en hâte sa guitare et toute la panoplie d'accessoires encombrants et fastidieux qui pullulent dans son trou à rats. Jane rapplique. Alerte générale. Elle se tient debout devant lui. Panique à bord. Elle est raide comme un piquet et semble remontée comme un ressort rouillé. Chacun pour soi et Dieu pour tous. La tête basse, Pilch choisi de rester accroupi, histoire de ne pas affronter son regard qu'il sait empreint d'une tentation glacée de remords.
« Ce petit amour de Benji m'offre à boire, tu nous rejoins? »
L'enfoirée, qu'est-ce que Pilch a fait de mal pour se colletiner une pareille idiote. Benji, pourquoi tu casses le code? Merde, qu'est-ce que t'en as à foutre? C'est vrai tu t'en cognes. En fait, non...
« Vais pisser.. »
Pilch envoie valser son barda dans un coin et se rue à l'étage, histoire de mettre une bonne distance entre cette incarnation vivante de l'emmerdement et sa propre personne tourmentée et en proie aux affres de la suspicion. Il pousse la porte des toilettes avec précipitation et anxiété. On y est, les chiottes, enfin, le calme, seul, peinard, Pilch, ses clopes et le reste du monde DERRIERE la porte. Rassuré, il s'adosse pensivement contre le mur, dont la peinture neuve suffit à peine à masquer les anciens graffitis, et commence à tirer des bouffées salvatrices de sa tige de mort lente, en maugréant quelques imprécations choisies où il est question du manque affiché de foi et de vertu de la gent féminine et des ressortissantes irlandaises en particulier. Seulement, il y a un problème. Pilch perçoit des gémissements et tourne la tête instinctivement. Une paire de Tennis noires dépasse, par terre, à l'autre bout de la pièce, derrière un grand lavabo. Pilch s'avance lentement en direction des sanglots, un peu intrigué, un peu inquiet et très angoissé. A dix contre un, il est encore tombé sur un toxicomane plein d'héro. Perdu. Une nana. En pleurs, la tête dans les mains, avec du Rimmel au bout des doigts. Elle est blonde, les cheveux courts, avec un joli pantalon rayé et un débardeur blanc.
« Ca va? »
La voix de Pilch tremblote, rien de rassurant ou de bienveillant dans tout cela.
« Je nage dans le bonheur, ça s'voit pas?
- Restez pas là, vous allez salir votre fut', j'ai jamais vu un sol aussi crade..,
- C'est pas possible d'avoir la paix, connard!!
Admettons. Pilch va pisser. Il se lave les mains, sans un regard ni la moindre expression(ça, il sait faire), puis repart vers la porte. Une voix à peine audible lui parvient, une voix qu'il ne voulait pas entendre. Une voix contre laquelle il ne peut rien. Et il le sait.
« Vous auriez pas un mouchoir? »
Pilch fait demi-tour, les yeux au ciel. Pourquoi a-t-il TOUJOURS un mouchoir sur lui? Saloperie d'hypocondriaque foireux. Il lui tend le mouchoir en papier. La politesse... Toujours pas un mot. Il la regarde bien en face. Juste pour avoir une idée. Des yeux bleus. Une blonde, quoi. Des grands yeux bleus, marines, profonds. On pourrait s'y perdre pendant deux ou trois éternités sans même penser à demander son chemin; Pilch déteste son côté romantique. Il l’est pourtant.
« Désolé pour tout à l'heure, c'est pas ma soirée, dit-elle entre deux larmoiements.
- Pas grave, question d'habitude.
- T'es le guitariste qui jouait tout à l'heure
- Y paraît.
- C'était bien.
- Merci »
Pilch se tient toujours en face d'elle, raide comme un piquet. Il n'ose même pas remuer un cil. Elle pourrait se remettre à pleurer... Il se décide quand même à dire un petit truc original, pour casser cette ambiance bien sordide :
« Je m'appelle Pilch, et vous?
- Tu vouvoies toujours les gens, comme ça?
- Ouep, question d'habitude, encore.
- C'est débile les habitudes.
Petit silence, un peu gêné. Seuls se font entendre les bruits assourdissants des guitares mal accordées des keupons excités et tazés qui jouent en bas. Pilch lui fait toujours face, il s'accroupit, les bras sur les genoux, les mains ballantes.
« Moi c'est Aurore.
- Enchanté.
- Merci.
- Merci pour quoi?
- Pour le mouchoir, pour la politesse, je sais pas, pour rester aussi...
- Ouep, ça arrive.
Nouveau blanc. Les survoltés ont entamé une reprise des Ramones, ça hurle à tue-tête et ça grésille.
« Qu'est-ce qu'il vous arrive? , se hasarde Pilch. Mais qu'est-ce qu'il lui prend, au juste, avec ses questions indiscrètes de naze. Il va pour s'excuser, mais finalement, pas le temps...
- C'est un con!
- Pourquoi est-ce que vous êtes avec lui, alors?
- C'est supporter ça ou être seule...
- Selon le dernier bulletin météo, mieux vaut être seule que mal accompagnée. Qu'est-ce qu'il vous a fait, pour vous mettre dans un état pareil?
- T'es toujours curieux comme ça?
- C'est pire quand j'ai bu. Allez, racontez-moi toute la bêtise de ce baltringue, dîtes-vous qu'au pire des cas, je ne suis qu'un inconnu qui n'a rien à foutre de toutes vos histoires. Et puis ça vous fera du bien.
- OK. Il est fatigué de naissance, inintéressant, insultant, parle jamais de lui, tout le temps la flemme de tout...
- Je rabâche, mais pourquoi est-ce que vous vous prenez la tête avec ce type? Enfin... Il a quelque chose de particulier, d'attachant?
- T'en as de bonnes toi? Il veut bien de moi, et c'est déjà pas mal!
- Vous m'avez l'air bien loin d'être défigurée ou repoussante, un peu rugueuse au premier abord, soit, mais une ou deux doses d'un alcool particulièrement fort devraient remédier à ce léger problème...
Aurore sourit. Un bon point, Pilch. Pas trop tôt, ça commençait à sentir le mélodrame, dans cette soirée de dingue. Elle a un sourire superbe. Mais pourquoi tu la regardes, Pilch? Ses sourcils, ses yeux, ses fossettes, ses traits, tout sourit en même temps pour illuminer ces toilettes et les purger de leur crasse. Un vrai rayon de soleil, cette nana.
« Tu vas pas me croire, Pilch, mais c'est le meilleur des mecs que j'ai jamais pu avoir. C'est mieux que rien, et c'est même un record.
- On mérite toujours mieux qu'un moins que rien. Et non, j'ai peine à vous croire.
- Pourtant..
- Bon, si vous le dîtes. Arrêtez au moins de pleurer, c'est moche...
- Je suis moche, c'est ça
Et Aurore se remet à pleurer, Mais qu'est-ce que tu fous là, Pilch? Admirable : un guitar-hero raté même pas fichu de consoler une pauvre jeune fille introvertie en larmes du fait d'un gros con. Faudrait voir à immortaliser le tableau.
« Non, vous n'êtes pas moche. Ne me faîtes pas dire ce que je n'ai même pas eu le temps de penser, OK? Et arrêtez de pleurer, j'ai mal au crâne. »
Bravo pour le tact, Pilch, on applaudis bien fort. Mais c'est vrai qu'entre le boucan des instruments, la bière ingurgitée, Jane, et les deux paquets quotidiens de mort lente en tige de 8, Pilch a sacrément mal au crâne. C'est certainement une des raisons qui le pousse à s'asseoir, enfin, s'asseoir... disons s'affaler non loin de la jeune fille en pleurs. Il y a certainement d'autres raisons, mais il refuse de chercher, des fois qu'il y trouve quelque chose de doux gentil, attentionné, voire pire, bienveillant.
Pilch commence à fredonner un vieil air de John Lennon qu'il connait par coeur. Il ne sait pas trop pourquoi, bien que l'arrière-pensée de calmer les nerfs de la pauvrette par une mélopée douce et agréable l'eut tout de même effleuré. Ca doit sûrement faire partie de ce qu'on nomme d'un bout à l'autre de ce beau pays de France la technique ancestrale de drague selon Pilch, réputée autant pur sa fébrilité que pour son inefficacité notoire. Cependant, ce soir n'étant peut-être pas un soir comme les autres, ça marche. C'est vrai, nom de Dieu, ça marche, elle s'est arrêtée de pleurer. Du bonheur en pack de six, cette idée.
« Pilch, pourquoi c'est pas toi qui chante, dans ton groupe?
- D'abord parce que c'est pas mon groupe. Et puis Benji a une très belle voix, plus que la mienne en tout cas.
- C'est bête, t'as une belle voix, je trouve.
- Ouep, c'est la dernière rumeur qui circule dans tout-Paris, dit-il en claquant des mains sèchement. Bon, vous allez mieux, à ce que je vois? Cigarette?
- Non, merci, je fume pas.
- Ben moi si.
Il allume sa clope. Et ce con qui se trouve sexy quand il allume une cigarette. Lonesome cowboy...
« Merci d'être rester. T'es cool...
- Arrêtez de me remercier à, tout bout de champ, c'est usant, à la longue.
- Non, je suis sincère. Comment t'as su que c'était MA chanson, quand tu t'es mis à chanter?
- J'en savais rien. Je chante cette chanson quand j'ai envie de calme. C'est tout.
- Et ça t'arrive souvent de chanter pour des filles en détresse?
- Tout arrive, non?
- Et on t'as jamais dit que t'étais magique?
- Si, tous les quarts d'heure. C'est pas bientôt fini les questions, non?
Le tact, toujours.. Sans blague, ça devait bien faire cinq ans qu'un être humain n'avait pas posé autant de questions à Pilch. Le dernier en date avait été le DRH d'une grosse boite de publicité. Pilch avait alors hésité à ce moment précis entre prendre la porte ou lui balancer cette même porte en travers de la mâchoire, juste pour voir. La première solution avait finalement été retenue quant à la tenue vierge de son casier judiciaire. Bon, et dans tout ça, il a bien du froisser cette nana. Va falloir s'excuser, mine de rien.
« Désolé si je vous ai vexée, j'ai pas trop l'habitude de ce genre de discussion...étranges.
- Pas grave. Tu t'arrêtes jamais de vouvoyer les gens, au bout d'un certain temps?
- Si, ça prend bien deux ans en général. Vous voulez qu'on se tutoie, Aurore?
- C'est toi qui voit. Ca doit être pénible, d'être si coincé...
- Insultez-moi, ça fait toujours plaisir.
- Te fâche pas comme ça! T'es soupe au lait en plus de ça...
- C'est fini, l'énumération exhaustive de mes défauts?
- C'est toi qui pose des questions maintenant?
Un partout. Prolongations. Quand on pense qu'elle pleurait à chaudes larmes il n'y a pas cinq minutes. « Souvent femme varie ». L'avait pas tort, le salaud.
« On m'a jamais dit que j'étais magique, non, concède-t-il. Et encore moins que j'avais quoi que ce soit de spécial, ou d'attachant, je t'avoue... Merci pour le compliment, dit-il timidement, après une pause.
- Tu me dis plus vous?
- Profite, avant que ça me reprenne, malheureuse.
Nouvelle pause. Pilch écrase sa cigarette sous sa semelle..
« Ca va mieux?
- Un peu. Ca te dérange pas de rester un peu?
- Non, mais on va finir par me chercher si je retourne pas plier mon matos.
Nouvelle cigarette, histoire de bien décompresser comme il faut.
« On doit jouer encore, dans la nuit, ailleurs. Tu sais, y'a des soirs comme ça, j'en ai marre de jouer. Ca fait des années que je tripote cette gratte du matin au soir, ou plutôt, du soir au matin. Je sais faire que ça. J'ai jamais su faire que ça, tout le reste est tombé à l'eau...
- T'arrêterais pas de te plaindre?
- OK, mais c'est toi qui a commencé.
Le mal de tête de Pilch commence à s'atténuer. Aurore ne dit plus rien, lui ne trouve plus grand chose à dire non plus. Alors, ils restent assis là, sur le sol humide et jonché de papiers de ces chiottes, aux murs dégueulasses et aux effluves fétide dans le rade le plus négligé de la galaxie, à savourer cet instant rare où deux âmes en tourmente trouvent un peu de calme et de compréhension, au détour des évènements et des complications. A l'horizon, point de coucher de soleil enivrant, de mer limpide ni même de douce brise dans les cheveux ou de fine bruine romantique. Rien que la peinture écaillée et les tags éloquents et multilingues. Et le reste du monde à 3000 années-lumières de là. DERRIERE la porte.
I was dreaming of the past
And my heart was beating fast...