Une vingtaine de cas d'une maladie rare, la narcolepsie cataplexie, ont été détectés en Europe, dont six en France, chez des personnes vaccinées.
Moins d'un mois après la fin officielle de la pandémie, la grippe H1N1 revient sur le devant de la scène, avec un épisode totalement inattendu. Jeudi, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a fait savoir que 22 cas de narcolepsie cataplexie, une maladie neurologique très rare, avaient été répertoriés en Europe - dont six en France - chez des personnes qui ont été vaccinées par un vaccin anti- H1N1. Vingt et un de ces cas sont survenus chez des individus qui avaient reçu du Pandemrix, le vaccin avec adjuvant de GSK, et un après injection de Panenza, le vaccin sans adjuvant de Sanofi. «Une enquête est en cours au niveau européen, mais à ce stade, aucun lien entre la vaccination anti-H1N1 et la survenue des cas de narcolepsie cataplexie n'est établi», insiste d'emblée le Dr Carmen Kreft-Jaïs, chef du département de pharmacovigilance à l'Afssaps.
Somnolence dans la journée
Pour cette spécialiste, l'affaire est d'autant plus inattendue que, jusqu'ici, aucun vaccin n'a jamais été suspecté d'induire une narcolepsie cataplexie. Méconnue du public et même des médecins (le diagnostic n'est souvent porté qu'après une dizaine d'années d'évolution), cette maladie chronique est effectivement rare: elle concerne 20 à 30 individus sur 100.000. Elle se caractérise par des accès sévères de somnolence dans la journée. Surtout, le signe le plus spécifique est la survenue de cataplexie, des pertes brutales du tonus musculaire déclenchées par une forte émotion.
La suspicion autour des vaccins contre le H1N1 a commencé le 18 août, quand la Suède a informé l'Agence européenne du médicament de la survenue de six cas de narcolepsie cataplexie chez des enfants de 6 à 12 ans, un à deux mois après leur vaccination par Pandemrix (le pays a depuis reçu quatre nouvelles notifications). Puis la Finlande a embrayé, signalant à son tour six cas.
En France, l'Afssaps a été prévenue ces derniers jours de six cas concernant trois enfants et trois adultes. Chez ces patients, le diagnostic de narcolepsie cataplexie a été porté de façon formelle, les symptômes sont survenus entre un et deux mois après leur vaccination.
«J'avais des doutes depuis plusieurs mois chez quelques malades dont je savais qu'ils avaient été vaccinés contre la grippe H1N1, nous explique le Pr Yves Dauvilliers (CHU de Montpellier), qui coordonne les quatre centres nationaux de référence de cette maladie rare, et a reçu 4 des 6 patients. A priori, je pense qu'il ne faut pas s'inquiéter car par ailleurs, nous n'avons pas eu plus de nouveaux cas que d'habitude. De plus, 10% des Français se sont fait vacciner contre cette grippe.» Néanmoins intrigué par ces cas, le neurologue les a signalés en mai dernier aux autres spécialistes de la narcolepsie cataplexie, pour les sensibiliser à ce possible facteur déclenchant. C'est parce qu'il demande systématiquement à ses nouveaux malades de remplir un questionnaire complet, portant sur des facteurs d'environnement, que le Pr Dauvilliers a relevé que quatre d'entre eux avaient déclaré les premiers symptômes après s'être fait vacciner.
«Maladie auto-immune»
«Outre la prédisposition génétique, le poids des facteurs environnementaux semble aujourd'hui important», précise le neurologue. Si la responsabilité du vaccin dans cette maladie est loin d'être prouvée chez les 22 malades européens, elle ne semble pas aberrante. «La narcolepsie cataplexie, c'est en fait la mort de neurones qui fabriquent l'hypocrétine, soit au total 20.000 cellules. L'une des hypothèses récentes est qu'il s'agit d'une maladie auto-immune entraînant une destruction rapide de ces neurones chez des sujets prédisposés, avec l'intervention d'un facteur qui reste à déterminer», continue le Pr Dauvilliers. Après cette destruction localisée de neurones, les symptômes apparaissent et restent stables. Si les médecins spécialistes réinterrogent tous leurs nouveaux patients, il est possible que d'autres cas suspects soient recensés dans les semaines à venir.
Un bilan de pharmacovigilance jusqu'ici rassurant
Au total, en France, plus de 5,7 millions de personnes ont été vaccinées contre la grippe H1N1, et 4 428 effets indésirables ont été enregistrés, selon le bilan de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), établi début mai. L'Afssaps a suivi en temps réel les déclarations d'effets secondaires, publiant 17 bulletins de pharmacovigilance entre novembre 2009 et mars 2010.
La majorité des vaccinés (4,1 millions) l'ont été par Pandemrix, le vaccin avec adjuvant des laboratoires GSK. 1,6 million de personnes (dont les femmes enceintes) ont reçu du Panenza, vaccin sans adjuvant de Sanofi. Seuls quelques milliers de doses des autres produits (Celvapan et Focetria) ont été utilisés.
Globalement, les deux vaccins les plus utilisés ont été bien tolérés, estime l'Afssaps. Les déclarations ont surtout consisté en «des effets indésirables non graves attendus, de caractère bénin et transitoire». Sur 4 428 effets indésirables enregistrés, 3 855 sont survenus après Pandemrix (dont 178 cas graves), et 549 après Panenza (dont 87 graves).
Les effets secondaires graves (parmi lesquels 4 chocs anaphylactiques) ont entraîné 21 décès. La crainte d'un excès de complications neurologiques de type syndrome de Guillain-Barré ne s'est pas confirmée. Neuf cas de ce syndrome ont été finalement notifiés, alors que le nombre attendu était de 42.